Préface

Bien que ce neuvième numéro de Riff-Raff paraisse presque cinq ans après le précédent, nous continuons où nous en étions restés la dernière fois. Indiscutablement, beaucoup de choses se sont passées ici en Suède et dans le monde, mais rien qui nous ait donné une raison d’ajuster le cours général. Malgré la crise profonde (dont nous ne pouvons éviter de parler), le rapport entre les classes demeure essentiellement le même, c’est-à-dire depuis qu’il a été formé après la dernière restructuration autour de 1975-1995. Nous voyons par exemple une continuation du développement de la division mondial du travail et de la « flexibilité » dans la vie professionnelle ; les augmentations des salaires sont toujours au-dessous du taux d’inflation. La gestion de la crise par la classe capitaliste sous forme de licenciements et d’austérités a rencontré des résistances dans de nombreux d’endroit, par exemple en France, en Grèce et en Espagne, mais elle n’a pas abouti à une résurrection du mouvement ouvrier. Les prolétaires luttent aujourd’hui contre les aggravations immédiates de leurs conditions de vie, mais ils n’ont pas d’intérêt à l’autogestion de leur propre exploitation 1). On lutte pour exister, mais on ne peut simultanément demeurer celui qu’on est.

Dans les pages qui suivent est discutée la possibilité de sortir de cette impasse : révolution, communisation.

Dans plusieurs des textes qu’a publié Riff-Raff au fil des ans, le terme communisation a été employé dans des contextes différents. Le plus souvent, il l'était en passant et en termes vagues. Or, avec ce numéro, nous le mettons au centre et nous allons discuter ce qu'est la communisation, ce qu’elle n’est pas, ainsi que les conséquences ultérieures qui suivent l'adoption d'une perspective communicatrice.

Le numéro est divisé en quatre parties. Dans la première nous discutons la communisation comme un perspective actuelle ainsi que les origines du concept. La deuxième partie est consacrée à Marcel et la revue Dissident ainsi que leur conception particulière de la communisation. Dans la troisième partie nous tenterons de saisir l’histoire et regarderons de plus près d’anciens mouvements révolutionnaires. La quatrième et dernière partie est consacrée à la restructuration du capital, qui fut une série de bouleversements à tous les niveaux qui ont, ensemble, jeté les bases d’un nouveau rapport entre les classes et avec lui une nouvelle perspective révolutionnaire.

La plupart des textes peuvent être lus dans n’importe quel ordre et il n’y a pas de raisons particulières de lire le numéro d’un bout à l’autre. Ils sont pourtant tous des pièces du puzzle pour la compréhension de l’ensemble et ils se référent souvent l’un à l’autre. Plusieurs d’entre eux sont aussi des commentaires de textes extérieurs au numéro.

Les contributions de la Rédaction viennent de Peter Åström et Per Henriksson. Xavier Girrard est un camarade d’Amérique du Nord qui nous a envoyé son texte il y a déjà longtemps. Les autres textes viennent de nos camarades de Théorie Communiste.

Riff-Raff est une revue suédoise, mais nous faisons en même temps partie d’un réseau plus large qui essaie de développer la théorie de la communisation. Nous avons aujourd’hui des contacts proches avec les groupes Endnotes en Angleterre, Théorie Communiste en France, Blaumachen en Grèce ainsi que de nombreuses personnes individuelles. A côté de ses projets de revue, les groupes travaillent à la construction d' un projet commun : une revue internationale pour la communisation. Cette revue s’appellera Sic et le premier numéro se prépare au moment où nous écrivons.

:: mars 2011

1)
Une nouvelle vague d’occupations d’usines a balayé la France en 2009-2010. Les travailleurs ont y compris que la méthode la plus profitable comme réponse aux fermetures des usines était la séquestration du patron en attendant une meilleure offre d’indemnités. Voir Jeanne Neton et Peter Åström, « Comment on peut encore revendiquer quand aucune revendication peut être satisfaite » dans la revue à venir Sic.