Cette revue se propose d’être le lieu où se déploie la problématique de la communisation. Elle est la rencontre de quatre groupes-revues existants qui, conjointement à la publication de SIC, continuent leur vie propre : Endnotes au Royaume-Uni ; Blaumachen en Grèce ; Théorie communiste en France ; Riff-Raff en Suède. S’y retrouvent également des groupes théoriques plus ou moins informels aux États-Unis (New York et San Francisco), ainsi que de nombreux individus en France, en Allemagne, ou ailleurs, engagés dans d’autres activités et se retrouvant dans la démarche théorique entreprise ici. SIC est aussi le dépassement (continuité et rupture) de la revue Meeting (quatre numéros en français de septembre 2004 à juin 2008) qui avait organisé durant l’été 2008 une rencontre internationale d’où est partiellement sorti le projet SIC comme publication réellement internationale explorant la problématique de la communisation dans la conjoncture nouvelle de la crise ouverte en 2008. Aucun des participants à ce projet ne considère sa participation comme exclusive ou permanente et SIC peut naturellement accueillir des participations théoriques extérieures.
La revue aura une édition en langue anglaise qui sera la publication internationale et une édition en langue française, tous les textes seront sur un site Web dans les langues disponibles. En Grèce et Suède, les camarades de Blaumachen et Riff-Raff, outre la diffusion de leurs propres textes publiés dans SIC, intégreront des traductions des textes de SIC dans leur publication ou pourront faire des éditions particulières de certains textes. Cette dernière possibilité est vivement encouragée dans tout autre pays et langue.
Dans le cours de la lutte révolutionnaire, l’abolition de l’État, de l’échange, de la division du travail, de toute forme de propriété, l’extension de la gratuité comme unification de l’activité humaine, c’est-à-dire l’abolition des classes, des sphères privée et publique, sont des « mesures » abolissant le capital, imposées par les nécessités mêmes de la lutte contre la classe capitaliste. La révolution est communisation, elle n’a pas le communisme comme projet et résultat.
On n’abolit pas le capital pour le communisme mais par le communisme, plus précisément par sa production. En effet, les mesures communistes doivent être distinguées du communisme : ce ne sont pas des embryons de communisme, c’est sa production. Ce n’est pas une période de transition, c’est la révolution, la communisation n’est que la production communiste du communisme. La lutte contre le capital est bien ce qui différencie les mesures communistes du communisme. L’activité révolutionnaire du prolétariat a toujours pour contenu de médier l’abolition du capital par son rapport au capital, ce n’est pas la branche d’une alternative en concurrence avec la reproduction du mode de production capitaliste mais sa contradiction interne et son dépassement.
À la fin des années 1960 et début des années 1970, toute une période historique dans laquelle, de diverses manières, la révolution avait été conçue, tant théoriquement que pratiquement, comme l’affirmation du prolétariat, son érection en classe dominante, la libération du travail, l’instauration d’une période de transition, entre en crise et s’achève. C’est dans cette crise qu’apparut le concept de communisation.
Dans cette crise, critiquer toutes les médiations de l’existence du prolétariat dans le mode de production capitaliste (parti de masse, syndicat, parlementarisme), critiquer des formes organisationnelles comme le parti ou l’avant-garde, des idéologies comme le léninisme, des pratiques comme le militantisme et toutes ses variantes, tout cela apparut comme sans objet si ce n’était pas la révolution comme affirmation du prolétariat que l’on mettait en jeu. Que celle-ci soit l’autonomie ouvrière ou la généralisation des conseils ouvriers. C’est la lutte en tant que classe qui est, à l’intérieur d’elle-même, devenue le problème, sa propre limite. Par là, elle annonce et produit comme son dépassement la révolution comme communisation.
Depuis, dans le cours contradictoire du mode de production capitaliste, l’affirmation du prolétariat, la libération du travail, ont perdu tout sens et tout contenu. Il n’existe plus d’identité ouvrière propre face au capital et confirmée par lui. C’est la dynamique révolutionnaire des luttes de notre époque qui montre le refus actif - contre le capital - de la condition prolétarienne, y compris au sein de l’auto-organisation ou de manifestations éphémères et limitées d’autogestion. La lutte du prolétariat contre le capital contient la contradiction à sa propre nature d’être une classe du capital.
L’abolition du capital, c’est-à-dire la révolution et la production du communisme, est immédiatement abolition des classes et donc du prolétariat, dans la communisation de la société qui est ainsi abolie comme communauté séparée de ses membres. Les prolétaires abolissent le capital en produisant contre lui une communauté immédiate à ses membres, ils transforment leurs rapports sociaux en relations immédiates entre individus. Relations entre individus singuliers qui ne sont plus chacun l’incarnation d’une catégorie sociale, y compris les catégories supposées naturelles comme les sexes sociaux de femme et d’homme. La pratique révolutionnaire est la coïncidence du changement des circonstances et de l’activité humaine ou autochangement.
Cette approche minimale de la communisation ne constitue ni une définition, ni même une plateforme, mais énonce une problématique.
La problématique d’une théorie, ici la théorie de la révolution comme communisation, ne se borne pas à une liste de thèmes ou d’objets conçus par cette théorie, elle n’est pas non plus la synthèse de tous les éléments qui sont pensés. Elle est le contenu d’une théorie, sa manière de penser, en regard de toutes les productions possibles de cette théorie.
Par définition aucune liste des sujets relevant d’une problématique ne peut être exhaustive.
Aucune théorie ne se contente de dire « voilà ce qui arrive », « ça parle ». Quand la théorie dit « c’est ainsi » ou « voilà comment », SIC en un mot, c’est une construction intellectuelle spécifique. Abstraite et critique par rapport à l’immédiateté des luttes, c’est là la relative autonomie de la production théorique. Dans la période actuelle, repérer, promouvoir les activités qui dans la lutte du prolétariat en tant que classe sont la remise en cause même de son existence en tant que classe, signifie que c’est ce rapport critique qui change. Il n’est plus une extériorité, il est un moment de ces luttes, il est investi en elles, c’est-à-dire qu’il est un rapport critique non vis-à-vis de la lutte des classes et de l’expérience immédiate, mais dans cette expérience immédiate.
Si agir en tant que classe est devenu la limite même de l’action de classe, si ceci tend à devenir le cours le plus banal des luttes, les luttes immédiates, pratiquement et dans leur propre discours, produisent, à l’intérieur d’elles-mêmes, une distance interne. Cette distance, c’est la perspective communisatrice comme articulation théorique concrète, objective, de l’expérience théoricienne des luttes et de la théorie dans sa formulation abstraite et critique telle qu’elle est produite et existe ici et dont la diffusion devient une activité pratique primordiale.
Porter le devenir social du concept-clé de cette théorie, la communisation, tel est l’objectif de cette revue. Cette tâche, c’est l’activité de partisans de la communisation, engagés dans des luttes de classe avec les conflits qui les traversent. Dans le moment actuel, la théorie comme ensemble d’activités concrètes (écriture, revue, réunion, diffusion sous de multiples formes, etc.) devient directement elle-même une détermination objective.